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La revue des études de linguistique appliquée n°167: "La médiation linguistique : entre traduction et enseignement des langues vivantes"

Publié le 17 décembre 2012

Publication des actes de la journée d'étude "La médiation linguistique : entre traduction et enseignement des langues vivantes" dirigée par Joelle Aden (Université du Maine) et Dirk Weissmann (UPEC)

Date(s)

le 10 novembre 2012

Présentation des coordinateurs
Le présent numéro est issu d’une journée d’étude internationale qui s’est tenue en mars 2010 à l’Université Paris-Est Créteil, journée organisée par l’Institut des mondes anglophone, germanique, et roman (IMAGER), avec le concours de l’Université de Göttingen en Allemagne, dans le cadre des accords de mobilité enseignante ERASMUS. Les différentes contributions discutent les perspectives adoptées dans plusieurs pays européens dont certains proposent des descripteurs et des modèles opérants pour concevoir des tâches et des entraînements à la médiation linguistique. Ils définissent et mettent en perspective les notions de médiation linguistique, culturelle et interculturelle en les inscrivant dans l’histoire des politiques éducatives et des pratiques didactiques de leurs pays et institutions. Ils dressent un bilan provisoire de la mise en oeuvre dans leurs contextes éducatifs singuliers et ouvrent des pistes de réflexion pour une meilleure prise en compte des compétences de médiation dans les classes. En ceci, ce numéro a pour ambition d’amorcer un débat de fond sur la place et la nature même de l’interaction langagière dans un monde où les individus sont de plus en plus amenés à translangager (Creese et Blackledge, 2010), pour co-agir.

La notion de médiation linguistique est convoquée dans un très grand nombre de champs, tant dans la recherche, que dans la diplomatie ou dans la société civile. Nous la trouvons par exemple en droit, en psycho-sociologie, en pédagogie, en communication… Ceci n’est pas un hasard dans nos sociétés où les échanges de biens et de personnes se font en temps réel, où nous sommes potentiellement en lien simultané constant avec les habitants de la planète tout entière via visioconférences, échanges électroniques ou réseaux sociaux, et également au travers d’objets de consommation qu’il s’agisse de biens ou de services, notamment les échanges de produits culturels comme le cinéma ou la musique ou encore la vulgarisation scientifique. La médiation linguistique est au coeur même de cette nouvelle configuration planétaire en perpétuelle évolution où les jeux de pouvoir et d’influence sont dépendants de la vitesse et de la pertinence de l’information échangée. Les situations de contact des langues sont inédites et démultipliées. Si les traducteurs et interprètes professionnels restent des maillons indispensables dans de nombreux domaines, les entreprises, les chercheurs, les enseignants, les commerciaux, les migrants de tous ordres utilisent d’autres stratégies, moins coûteuses et plus rapides, pour passer d’une langue à l’autre et d’une culture à l’autre. Ainsi sommes-nous amenés à distinguer la traduction professionnelle qui reste d’une importance cruciale et la médiation linguistique que nous pourrions défi nir comme la transformation ou l’adaptation de tout message oral ou écrit pour le rendre intelligible à des interlocuteurs qui ne partagent pas les mêmes langues-cultures, et ceci dans une visée pragmatique d’effi cacité de la communication pour l’action conjointe. Dans un sens plus large, la médiation est également le processus qui relie le social et l’individuel, le culturel et l’universel.

La médiation linguistique constitue certainement l’une des avancées les plus originales et significatives du CECR (Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues) qui affirme que « les activités langagières de médiation, (re)traitant un texte déjà là, tiennent une place considérable dans le fonctionnement langagier ordinaire de nos sociétés » (p. 18). Alors qu’elle apparaît comme l’un des quatre piliers du cadre au même titre que la réception, la production et l’interaction, elle y est réduite à sa dimension de traduction et d’interprétariat (p. 80). Pourtant, la médiation ne se confond pas avec la traduction malgré les passerelles évidentes vers la traductologie, mais force est de constater que la médiation peine à se défi nir comme un concept didactique. Si les programmes et manuels scolaires s’efforcent depuis quelques années de se conformer au CECR, les activités de médiation linguistique y sont encore largement absentes. Ce domaine d’activité n’est associé à aucun descripteur et c’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles il a très peu retenu l’attention des didacticiens et des décideurs institutionnels. La médiation linguistique reste peu connue en France, voire absente des programmes de langues.

Or, comment envisager concrètement les relations et les interactions entre des langues différentes ? Qu’entend-on réellement lorsque l’on évoque la circulation des valeurs entre les frontières ou le passage d’une langue à l’autre ? La communication interculturelle est en quête d’une pédagogie qui transcende la dualité entre langue 1 et langue 2 et entre culture 1 et culture 2, et qui s’intéresse à l’interface entre une constellation de langues, de subjectivités et d’identités (Aden, Kramsch, à paraître).

Problématiser les activités de médiation au coeur de l’apprentissage des langues vivantes est devenu d’autant plus incontournable qu’elles sont indissociables des notions de plurilinguisme et pluriculturalisme et des savoirfaire et savoir-être interculturels promus par le CECR.
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Direction de l'ouvrage
> Joelle Aden est professeure à l'Université du Maine et membre du Centre de Recherche en Education de Nantes et ancienne membre d'Imager.
> Dirk Weissmann est maître de conférences en langue et littérature allemandes à l'UPEC et membre d'Imager.

Références de l'ouvrage
Editeur: Klincksieck
ISBN : 978-2-252-03854-3
Prix : 20 €